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Le budget fédéral offre une occasion de taille au secteur de la recherche en santé; saisissons-la

La Banque du Canada a récemment qualifié de problème urgent la faible productivité économique du Canada, qui se situe à 72 % de la productivité américaine. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers a même déclaré : « Vous avez sûrement déjà vu ces panneaux sur lesquels on peut lire “En cas d’urgence, briser la vitre”. Eh bien, nous en sommes là, nous devons briser la vitre. » Il y a plusieurs choses que nous faisons bien au Canada. Et il y en a d’autres que nous devons améliorer. Nos découvertes ont conduit à l’insuline, aux vaccins à ARNm ainsi qu’à des thérapies à base de cellules souches qui sont utilisées pour traiter des cancers du sang et réparer des tissus et des organes. Mais nous traînons entre autres comme lacune une certaine incapacité à commercialiser nos découvertes scientifiques – à sortir nos innovations du laboratoire, à lancer de jeunes pousses et à attirer les capitaux nécessaires pour permettre aux nouvelles thérapies et technologies de fleurir et d’être accessibles à chacun et chacune d’entre nous dans les milieux cliniques.

Nous devons remédier à cette situation. Nous devons briser la vitre et agir.

Je représente souvent le Réseau canadien de cellules souches (RCS) auprès des différents groupes de personnes talentueuses et expérimentées qui composent notre secteur des sciences de la vie. La semaine dernière, c’était auprès d’investisseurs, la semaine précédente de décideurs publics et la semaine prochaine ce sera auprès de scientifiques. La question que je me pose sans cesse est la suivante : pourquoi ces groupes de personnes sont-ils si cloisonnés? Mon diagnostic est que notre écosystème est fracturé : les scientifiques, les cliniciens, les groupes de patients, les juristes spécialisés dans les brevets, les investisseurs en capital-risque, les talents commerciaux et les experts en réglementation et en remboursement discutent tous de choses semblables, mais en isolement. Le récent budget fédéral et le message de la Banque du Canada sur la productivité constituent peut-être l’appel à l’action dont nous avions besoin.

Le budget fédéral nous donne l’occasion de commencer à sortir de nos zones de confort individuelles. C’est une bonne nouvelle que le financement de la science fondamentale ait été rétabli, car c’est par ce type de recherche que commence toute innovation. Le gouvernement s’est également engagé dans son budget à investir dans le bassin de talents du Canada en augmentant son soutien aux futurs leaders des sciences et de l’innovation. Il s’agit là d’investissements cruciaux dans un bien collectif et dans l’avenir de notre pays.

D’autres engagements budgétaires nous offrent aussi des chances à saisir. Par exemple, un conseil consultatif sur les sciences et l’innovation sera mis sur pied. Il sera composé de représentants du milieu universitaire, de l’industrie et du secteur sans but lucratif et aura comme mandat d’élaborer une stratégie nationale relative aux sciences et à l’innovation. Nous en avons besoin. Si ce travail est bien mené, il permettra de rationaliser toutes les stratégies fédérales en matière de santé et de recherche et de leur donner une orientation plus claire.

Une autre initiative qui a été prise est celle d’amorcer une conversation, présidée par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, pour examiner comment nous pourrions catalyser de plus importantes possibilités d’investissement dans l’innovation et les entreprises canadiennes pour les fonds de pension canadiens. Il s’agit d’une idée controversée, mais à bien des égards, notre recherche scientifique et ses résultats se comparent avantageusement à ceux de n’importe quel autre pays. Alors pourquoi n’investirions-nous pas plus dans ce secteur économique?

Le gouvernement s’est aussi engagé dans son budget à revoir son système d’approvisionnement pour faire en sorte que les petites et moyennes entreprises et les sociétés innovantes puissent s’appuyer davantage sur les contrats publics pour passer à une échelle supérieure. Compte tenu du climat d’investissement traditionnellement réfractaire au risque au Canada, cette mesure pourrait être très utile pour les entreprises du secteur des sciences de la vie qui sont capables d’attirer des investissements. Le secteur des cellules souches et de la médecine régénératrice compte à lui seul approximativement 75 entreprises biotechnologiques, réparties un peu partout au pays. Les dix plus importantes entreprises, dont Morphocell, Satellos et Aspect Biosystems, qui sont soutenues par le RSC, ont attiré plus de 200 millions de dollars américains en capitaux privés. Pour maintenir ou accroître ces investissements, nous avons besoin de récepteurs qui achèteront et déploieront les thérapies de pointe créées – des thérapies qui changeront la trajectoire de vie de nombreux patients. Il serait donc souhaitable qu’un plus grand nombre de preneurs canadiens achètent ces produits de pointe et contribuent à les mettre à la disposition des Canadiens.

Lorsque de nouveaux traitements ou médicaments sont testés cliniquement et commercialisés au Canada, ce sont des patients canadiens qui y ont accès en premier. Certaines personnes pourraient être très étonnées de savoir qu’une seule nouvelle thérapie médicale sur cinq développée à l’étranger pénètre le marché canadien.  Notre marché est tout simplement trop petit et les délais d’approbation et d’adoption sont trop longs pour que les entreprises étrangères y lancent initialement leurs produits. Par conséquent, la mise en place d’un régime scientifique et d’innovation favorable ne fera pas qu’alimenter l’économie canadienne, cela sauvera des vies canadiennes.

Les gouvernements ont recommencé à s’intéresser à la recherche scientifique. Nous devons saisir l’occasion qui se présente à nous. Créons une filière complète qui couvre l’ensemble des aspects du développement des innovations en santé : depuis la recherche scientifique et l’innovation jusqu’à l’adoption et à l’approvisionnement, en passant par l’investissement et la commercialisation. Cela renforcera non seulement la productivité à long terme de l’économie canadienne, mais aussi la santé de notre société. Nous avons amorcé une conversation. Menons-la tous ensemble à son aboutissement et faisons-le correctement.

Cate Murray, présidente-directrice générale du Réseau de cellules souches

 

 Opinion publiée dans Health Watch le 25 avril 2024