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Un pas de plus vers la guérison fonctionnelle du diabète

Le prof. Timothy Kieffer et un chercheur du laboratoire Kieffer.

« Nous envisageons un avenir où les personnes atteintes de diabète de type 1 pourront vivre leur vie sans injections quotidiennes d’insuline et sans médicaments immunosuppresseurs. Cet avenir est désormais à portée de main. » – Dr David Thompson

Les essais cliniques sont le moteur du progrès médical : ils offrent un Espoir de guérison aux patients, sauvent des vies par les traitements innovants qu’ils valident et repoussent les limites du savoir scientifique.

Le Réseau de cellules souches (RCS) a rencontré le Dr David Thompson et le professeur Timothy Kieffer pour discuter de leur recherche révolutionnaire et de leur essai clinique dans le cadre duquel des dispositifs à base de cellules souches sont utilisés pour traiter à long terme les personnes atteintes de diabète de type 1.


Qu’est-ce que le diabète de type 1?

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune chronique qui touche plus de 300 000 Canadiens et qui coûte au système de santé approximativement 29 milliards de dollars par an. Les personnes atteintes de diabète de type 1 ne peuvent pas produire d’insuline, une hormone essentielle qui aide l’organisme à contrôler le taux de glucose dans le sang. Bien qu’elles permettent de sauver des vies, les injections d’insuline ne guérissent pas le diabète. La bonne nouvelle, c’est que des thérapies à base de cellules souches pourraient offrir des solutions efficaces pour traiter et guérir cette maladie – et certaines des recherches les plus avancées dans ce domaine se font actuellement ici même, au Canada.


Des pionniers canadiens

« Le pancréas est le moindre de nos soucis, jusqu’à ce qu’il cesse de fonctionner », souligne le Dr David Thompson, chercheur principal responsable du site d’essai de Vancouver, professeur clinique d’endocrinologie à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et directeur du Centre de traitement du diabète de l’Hôpital général de Vancouver. « Mais en ce qui concerne la recherche sur le diabète, les Canadiens sont à l’avant-garde. Nous avons découvert l’insuline, nous avons prouvé l’existence des cellules souches et maintenant nous utilisons les cellules souches dans des essais cliniques pour espérer un jour éliminer le recours aux injections d’insuline. »

Financé en partie par le Réseau de cellules souches, cet essai clinique multicentrique porte sur une thérapie expérimentale à base de cellules souches mise au point par ViaCyte (une entreprise acquise par Vertex Pharmaceuticals), qui fait actuellement l’objet d’essais cliniques au Canada, à l’Hôpital général de Vancouver, ainsi qu’à d’autres endroits en Belgique et aux États-Unis.

La thérapie vise à remplacer les cellules bêta productrices d’insuline, qui sont déficitaires chez les personnes atteintes de diabète de type 1, à l’aide d’un implant. Nommé VC-02, le petit implant en question contient des millions de cellules des îlots de Langerhans (ou îlots pancréatiques) issues d’une lignée de cellules souches pluripotentes cultivées en laboratoire, parmi lesquelles des cellules bêta.

L’implant est présenté à côté d’un plus petit dispositif « sentinelle » et d’une pièce de 2 $ CA célébrant le 100e anniversaire de la découverte de l’insuline pour donner une idée de l’échelle.

Plusieurs de ce type de dispositif – de la taille d’un pansement adhésif et pas plus épais qu’une carte de crédit – sont greffés sous la peau du patient, où ils ont comme mission de fournir de manière autonome un apport d’insuline constant, régulé et durable.

« Chaque dispositif est comme une usine miniature de production d’insuline », a indiqué Timothy Kieffer, professeur aux départements de chirurgie et de sciences cellulaires et physiologiques de l’École d’ingénierie biomédicale de l’UBC et ancien scientifique en chef chez ViaCyte. « Les cellules des îlots de Langerhans, cultivées à partir de cellules souches, sont intégrées dans le dispositif afin de recréer la fonction de régulation de la glycémie d’un pancréas sain. »

Des résultats prometteurs et un jalon décisif

En 2023, l’équipe responsable de l’essai clinique a recruté et suivi 10 participants, dont aucun ne produisait une quantité détectable d’insuline au début de l’étude. Tous les participants ont subi une intervention chirurgicale pour recevoir jusqu’à 10 implants chacun.

Le Dr David Thompson, qui rencontre des patients dans son cabinet.

Six mois plus tard, trois participants présentaient des marqueurs de production significative d’insuline et ont maintenu ces niveaux pendant le reste de l’étude d’une durée d’un an. Ces participants ont réussi à rester plus longtemps à l’intérieur d’une fourchette de glycémie optimale et ont réduit leur consommation d’insuline administrée extérieurement.

Un participant en particulier a connu une amélioration remarquable, son temps à l’intérieur de l’intervalle de glycémie cible ayant augmenté de 55 à 85 % et son administration quotidienne habituelle d’insuline ayant diminué de 44 %.

Les résultats, qui ont été publiés dans Nature Biotechnology, marquent une étape importante pour le Dr Thompson et le prof. Kieffer et leurs équipes de la régie de santé régionale Vancouver Coastal Health (VCH) et de l’Université de la Colombie-Britannique.

« Pour la première fois, nous avons démontré qu’un dispositif à base de cellules souches pouvait réduire la quantité d’insuline nécessaire pour réguler la glycémie de certains patients atteints du diabète de type 1 », indique le Dr Thompson. « Cette approche devra être affinée, mais ce n’est qu’une question de temps avant que nous disposions d’une thérapie capable d’éliminer complètement la nécessité de procéder à des injections quotidiennes d’insuline. »

Il s’agit des plus récents résultats d’une série d’essais cliniques financés par le RCS et menés par l’équipe de l’UBC-VCH. Antérieurement, une étude publiée en 2021 dans la revue Cell Stem Cell avait démontré pour la première fois que ce type de système pouvait produire de l’insuline dans le corps humain.

Îlots générés dérivés de cellules souches et fabriqués dans le laboratoire Kieffer de l’Université de Colombie-Britannique par Jia Zhao et Shenghui Liang.

Dans le cadre de l’essai plus récent dont il est question ici, la quantité d’insuline produite a été accrue en utilisant deux à trois fois plus de dispositifs par participant et une nouvelle conception de dispositif a été mise à l’épreuve : de petites perforations qui permettent la croissance des vaisseaux sanguins ont été ajoutées, une caractéristique destinée à améliorer la survie des cellules cultivées en laboratoire.

« Nous savons maintenant que nous pouvons produire des cellules bêta fonctionnelles à partir de cellules souches », a déclaré le prof. Kieffer. « Auparavant, il nous manquait des réponses à bien des questions. Mais maintenant, avec les résultats de cet essai, nous savons aussi que les cellules survivent, qu’elles expriment des marqueurs ressemblant aux cellules bêta naturelles et, plus important encore, qu’elles peuvent libérer des quantités d’insuline qui sont modulées en fonction des repas ingérés. C’est énorme. »

Quelle sera la prochaine étape?

Les équipes de la régie Vancouver Coastal Health et de l’Université de la Colombie-Britannique poursuivront leurs recherches, avec deux objectifs en tête : augmenter le taux de survie des cellules et éliminer la nécessité de recourir à l’immunosuppression.

Le prof. Timothy Kieffer, aux côtés de chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique.

« Comme je le dis aux gens de mon laboratoire, avec les techniques actuelles d’édition de gènes et les cellules souches, notre seule limite est notre imagination », a souligné le prof. Kieffer. « Nous sommes maintenant en train de réfléchir à ce que nous pourrions faire pour rendre ces cellules produites artificiellement plus résilientes afin qu’elles puissent surmonter les obstacles auxquels elles sont confrontées dans le corps. Quelles modifications pourrions-nous apporter pour leur permettre de survivre plus longtemps et, en fin de compte, pour aider les patients à produire plus d’insuline? »

Dans le cadre d’un autre essai clinique en cours également financé par le RCS, l’équipe de l’UBC-VCH cherche à déterminer si une autre version du dispositif, qui libère des cellules génétiquement modifiées à l’aide de la technologie d’édition de gènes CRISPR pour qu’elles puissent déjouer le système immunitaire, pourrait éliminer l’obligation pour les participants de prendre des médicaments immunosuppresseurs parallèlement au traitement.

« L’un des principaux défis de la recherche sur le diabète a toujours été la nécessité pour les patients de prendre des médicaments antirejet afin que leur système immunitaire ne s’attaque pas aux nouvelles cellules », indique le Dr Thompson. Maintenant, pour la première fois dans le monde, nous testons des cellules qui ont été génétiquement modifiées en vue d’éliminer complètement le recours à l’immunosuppression. Si nous réussissons, cette approche innovante pourrait libérer de nombreux Canadiens des injections d’insuline et des complications débilitantes du diabète.

Depuis 2016, le Réseau de cellules souches a investi près de 10,3 M$ dans la recherche sur le diabète au Canada, finançant ainsi 18 projets de recherche, dont quatre essais cliniques.

Les responsables de ces essais continuent de recruter des participants. Les personnes intéressées et désireuses d’en savoir plus peuvent communiquer avec la coordinatrice de l’étude, Barbara Allan (barbara.allan@vch.ca).